La Terre des Rois est un jeu de gestion développé depuis 2003 par un unique codeur passionné, connu sous le pseudo de « Raph », et qui continue encore aujourd’hui de regrouper une communauté de près d’un millier de joueurs. C’est en soi, je crois, un accomplissement digne d’être noté dans l’univers pas toujours très tendre des jeux en ligne gratuits.
Quant à vous parler du contenu du jeu… Cela risque d’être un peu compliqué, mais « bac à sable » est le terme qui me vient spontanément à l’esprit. Si vous avez comme moi goûté à un certain nombre de jeux en ligne gratuits, vous l’aurez sans doute remarqué aussi : vous remplissez le formulaire d’inscription, vous créez votre personnage, ou votre cité, ou votre début d’empire galactique, et vous commencez à prendre des points d’xp, à accumuler des richesses ou à assouvir vos pulsions mégalomaniaques… Puis, un beau jour, vous jetez un coup d’œil au personnage/à la ville/à l’empire galactique du joueur voisin, et vous vous rendez compte qu’il ressemble quand même diablement au votre. Et qu’il y a en fait des centaines, ou peut-être même des milliers de joueurs qui ont pris les mêmes compétences, affronté les mêmes adversaires, construit les mêmes infrastructures que vous… Parce que le jeu auquel vous avez pris part vous a guidé sur un chemin déjà tout tracé depuis le début, et n’a rien d’autre à vous offrir : il est absolument linéaire.
La Terre des Rois, c’est exactement l’inverse de cet archétype. Vous n’êtes pas guidé, mais lâché à la tête d’un embryon de cité sans aucune fortune ou pouvoir, et livré à vous-même dans un monde médiéval fantastique qui ne vous veut pas que du bien. Votre objectif… Il dépend entièrement de vous, en fait. Vous êtes libre de tenter de faire de votre cité une grande puissance industrielle ou de la tourner vers l’agriculture et les élevages, de développer une redoutable armée ou de payer un autre joueur mercenaire pour vous défendre, d’orienter votre ville vers la recherche technologique, l’accumulation de puissance magique, ou encore un peu de tout cela à la fois… La Terre des Rois, ce sont 9 races jouables possédant chacune leurs technologies, magies et unités militaires propres, plus de 120 bâtiments constructibles capables de produire plusieurs centaines d’aliments, de ressources, d’outils et d’armes différents, 70 sortilèges aux effets allant de l’accélération d’une culture à l’assassinat des habitants d’une cité ennemie, la possibilité d’engager des unités mercenaires d’autres races, ou encore de mener un jeu purement économique dans une zone de jeu sans facette militaire. Bref : sur la Terre des Rois, vous pouvez être certain que votre cité ne sera identique à aucune autre, parce qu’elle sera le reflet de vos propres ambitions et des choix que vous aurez fait pour les assouvir.
Et maintenant que je vous ai parlé des bons côtés de ce gameplay « bac à sable », passons aux inconvénients, parce qu’évidemment, il y en a aussi.
Tout d’abord, la complexité : du fait même de cette extrême liberté d’action dont je vous ai parlé plus haut, il est très facile, au début, de se retrouver perdu sur la Terre des Rois. Un forum « aide » existe bien évidemment, et la communauté des joueurs sera toujours là pour vous guider, mais il n’empêche : c’est un jeu qui vous demandera de vous accrocher et de faire preuve de patience le temps d’assimiler ses règles et ses multiples facettes.
Ensuite, la communauté des joueurs. Soyons clairs : sur la Terre des Rois, il est vital de jouer en groupe. Une cité isolée n’est qu’une cible facile pour les pillards et les opportunistes de tous poils. De même, votre économie ne pourra sans doute pas se suffire à elle seule : il vous faudra commercer et échanger avec les autres joueurs pour obtenir ce que vous ne pourrez pas produire vous-mêmes. Donc, si vous êtes du genre à vous inscrire à un jeu multi-joueurs pour jouer tout seul dans votre coin… La Terre des Rois n’est sans doute pas pour vous. Si, en revanche, vous faites l’effort de chercher des alliés et des amis dans ce monde, vous n’aurez pas de problème : les systèmes de communication et de jeu en groupe incluent des forums publiques, un tchat, tout un système de guildes avec forums privés, une messagerie privée, une messagerie instantanée, ainsi qu’un cercle d’ « amis » et une « muraille » personnelle au fonctionnement furieusement similaire à celui du « mur » d’un site communautaire bien connu. La communauté des joueurs elle-même est très mature (sans doute parce que le jeu est lui-même complexe), et globalement agréable à côtoyer.
Le point suivant peut-être considéré comme un inconvénient ou un avantage selon l’idée que vous vous faites d’un bon jeu : le temps. Le jeu fonctionne par mises à jour quotidiennes, aussi est-il préférable de passer gérer sa cité au moins une fois chaque jour. Et si cette gestion peut être réglée en quelques minutes pendant les premiers niveaux, elle deviendra de plus en plus longue à mesure que votre cité grossira, demandant de plus en plus d’attention et de temps de votre part pour continuer à tourner correctement. Pour vous donner une idée, une cité de haut niveau exigera de vous une bonne grosse demi-heure rien que pour être gérée chaque jour. Temps auquel il vous faudra encore ajouter la lecture des forums publiques et de votre guilde et, si vous avez opté pour un jeu très axé sur la magie ou la guerre, encore un peu de temps supplémentaire pour gérer vos piles de sortilèges ou vos mouvements de troupes. Au final, une cité bien développée vous prendra facilement entre une et deux heures de votre temps quotidien.
Toujours dans les questions temporelles, il vous faut savoir que la Terre des Rois est un jeu qui se conçoit sur une longue période : construire une grande cité est très long, et les plus formidables d’entre elles prennent des années entières à bâtir. D’un autre côté, cela signifie que le jeu vous procurera un réel sentiment d’accomplissement : ce sera votre cité, unique, que vous aurez mis du temps, des efforts et de la réflexion à construire.
Au niveau immersion, le Rôle Play n’est pas obligatoire sur le jeu, mais bel et bien présent. Toute une section du forum lui est dédiée, aussi disposerez-vous d’un espace où exposer la vie quotidienne, les faits d’armes et les accomplissements de votre seigneur ou de votre dame. A noter que l’univers du jeu jouit également d’une certaine profondeur grâce à une section background remplie de textes fantasy et un journal relatant l’actualité du jeu. Le tout étant écrit par des joueurs bénévoles. Des animations, jouant à la fois sur le RP et le gameplay, sont aussi organisées de temps à autres par ces mêmes bénévoles, mais de façon malheureusement un peu trop irrégulière pour le moment.
Enfin, dans les points qui pourraient vous repousser, il vous faut savoir que les graphismes restent, malgré une interface récemment retravaillée par le webmaster, relativement basiques. Ils ont leur charme (étant tous dessinés par Raph lui-même !), mais vous n’en prendrez pas plein les mirettes à longueur de connexion. D’un autre côté, c’est d’un jeu de gestion, de stratégie et de tactique que nous parlons : ce qui compte, de mon point de vue, ce sont avant tout les mécanismes et la profondeur du gameplay. Et de ce côté-là au moins, la Terre des Rois s’en sort avec les honneurs.
Oh, et c’est un jeu gratuit. Comme la plupart des autres jeux en ligne, il comporte une boutique pour permettre à son créateur de mettre un peu de beurre dans les épinards, mais contrairement à pas mal d’autres aussi, payer reste absolument optionnel : vous aurez accès à tout le contenu jouable sans avoir à débourser un euro. Les offres de la boutique concernent des avantages temporaires et des objets uniques sans lesquels il reste parfaitement possible de concurrencer l’extrême majorité des joueurs.
Voilà. C’était une longue, très longue critique, pour un jeu lui-même très, très vaste. Et je suis loin de vous avoir tout dit. Qu’ajouter pour finir ? C’est un jeu complexe, parfois même difficile, mais doté d’une très bonne communauté de joueurs et capable de vous tenir en haleine pendant des années entières… Par comparaison au reste de l’industrie vidéo-ludique de notre temps, c’est en soi assez unique, n’est-ce pas ?